mardi 30 mars 2010

le silence

Katei Taki - Japon, 1870

Ceci est un thème que j’avais en tête depuis un moment, mais finalement inspirée par ce billet du blog Le Journal de Lyv & Émy, je me permets de partager ici quelques idées sur l’appréciation du silence par les enfants, même très jeunes.
Mon fils, Petit Caramel, avait 11 mois lorsque, à mon avis, il s’est rendu compte de la profondeur du silence. Il prenait son bain et tout d’un coup la chaudière s’est arrêté (en ce moment, je vis en Inde et chaque salle de bain à sa propre chaudière). Le ronronnement constant n’était plus et il n’y avait que le clapotis de l’eau entre ses mains.
Petit Caramel m’a alors regardée avec un regard reflétant mille points d’interrogation. Il a sorti ses mains de l’eau, et s’est immobilisé pendant au moins 30 secondes. Puis doucement, il a souri et remis ses mains dans l’eau, et le gentil clapotis à repris. Je lui ai dit à voix basse « C’est le silence. Tu as entendu le silence ».
Depuis, très souvent, lorsque j’entends que la chaudière va s’arrêter, je lui dis de se préparer. Et il attend avec moi. Il reste calme. Il écoute le sourire aux lèvres. Sa concentration et immobilisme me font penser à un loup aux aguets, mais pas par peur mais plutôt pour l’anticipation du moment… La chaudière s’arrête, il me regarde et reste ainsi une trentaine de secondes, il sourit, puis c’est de retour au bain et aux bulles !
La tendance est de faire du bruit avec les enfants, exception faite à l’heure de la sieste. On leur parle, on chante, on commente les choses autour de nous, on met de la musique. Je trouve cela vital. Mais on oublie qu’entre chaque son il y a le silence. C’est le silence qui créait le son (et vice-versa d’ailleurs). S’il n’y avait pas de silence entre les sons, on n’entendrait rien. 
Prendre le temps d’écouter le silence est un privilège qui vaut la peine, car nos jours sont remplis de bruit: le son des voitures, la radio, le clavier de l’ordinateur, les casseroles dans la cuisines, la musique, les conversations au téléphone, etc.
Pour écouter le silence, pas besoin de préparation compliquée. Il ne s’agit pas ici de faire de la méditation ou autre, mais simplement d’être présent. Pour un petit enfant de deux ans ou moins, 30 secondes semble amplement suffisant et ce doit être lui (ou elle) qui coupe la séance. 
Et par ma propre petite expérience (et celle commentée dans le billet cité), l’enfant semble se concentrer d’une manière je dirais presque spirituelle, comme si avec ce silence il toucherai une autre dimension de lui-même et de son environnement. 

10 commentaires:

  1. C'est un article magnifique. Tres fort et tellement vrai, important. Merci a toi pour ces mots Kenza.

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  2. Thanks Kenza. It's inspiring!
    It is such a lovely place that I can read so many wonderful articles.
    Thank you!

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  3. Fantastiques moments!
    Le silence... certains de mes élèves tellement peu habitués à le rencontrer, sont angoissés à l'idée d'y être confrontés... ils font du bruit pour se rassurer...
    éduquer l'enfant à l'écoute pour mieux appréhender...

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  4. Oups, appréhender le silence...

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  5. Merci pour vos commentaires. Je trouve intéressant que le silence est vu comme qq chose à « appréhender »… alors que je penserais qu’au contraire il devrait être un âtre de sérénité, de calme, de confort. Je crois que ce contraste reflète d’une manière certaine la société dans laquelle nous vivons. Il semblerait donc que c’est à nous les parents (ou les enseignants) de donner aux enfants l’opportunité de connaître et de se retrouver dans cet espace vital qu’est le silence.

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  6. C'est très étrange car le silence je ne l'appréhende pas de la même manière... Pour moi le silence est bruyant! Oui le silence c'est quand il n'y a pas un bruit, une sorte de flottement, le temps mis sur pause... Mais au bout d'un moment, il y a une sorte "d'hallucination" auditive si je peux dire. Là, je ressens comme un vide et ce vide produit des sons, des bruits que je perçois à ma manière. J'ignore si j'arrive à bien m'expliquer mais je serais curieux de savoir ce que vous entendez dans le silence...
    Sinon, pour revenir à l'article de Kenza, c'est vrai qu'une majorité de personne recherche du bruit car pour elle, être dans le bruit, c'est être vivant. C'est un peu pareil pour moi! Je me suis souvent étonné des gens qui mettait la télé sans la regarder, ou la radio sans vraiment l'écouter. Je leur ai demandé pourquoi ils faisaient cela et la plupart me répondaient qu'ils cherchaient du bruit, pour les rassurer ou pour avoir de la compagnie. C'est très étrange ces comportements je trouve...

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  7. Merci de nouveau pour les commentaires et celui de Pascal que je viens de lire. Silence ne veut pas dire « vide » (« emptyness » or « void ») mais c’est ce qu’il y a entre les sons. Le contraire du silence n’est pas le son, mais le bruit. Et par bruit, je veux dire l’incohérence, l’inutile, le désagréable --ce bruit constant dans les villes, les cris, les énervements. Car le bruit est aussi palpable. Donc offrir un peu de silence, c’est ouvrir cette porte au calme, à la sérénité, au beau, à soi-même pur et transparent. Pas besoin de philosophie ni de séance forcée. Un enfant le comprend de manière innée. Parfois peut-être s’ils n’en ont pas l’habitude et l’appréhendent, et s’ils sont déjà un peu grands, les guider vers cet havre, en douceur, serait merveilleux !

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  8. C'est une question interessante que tu souleves Pascal, effectivement, le monde du silence n'est certainement pas le meme lorsque l'on est sourd... Tout comme le monde du bruit j'imagine.

    Kenza, je n'ai pas arrete de songer toute la soiree au silence. J'ai eu envie de l'entendre, mais aussi de l'entendre plus souvent et de le partager avec mes enfants. C'est drole mais je crois que la salle de bain est le meilleur des endroits. J'ecoutais beaucoup le silence dans mon bain egalement, etant plus jeune.

    Merci encore pour cette contribution.

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  9. Oui, le monde du silence s'entend bien avec celui de l'eau.

    Anne-Marie de Melbourne.

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  10. Le silence ou en tout cas une autre dimension du bruit: qui n'a jamais plongé la tête dans l'eau de son bain pour écouter? Une ouate toute douce dans laquelle même nos propres sons prennent une nouvelle dimension, ... tiens, ça me donne envie d'un bain tout ça :-)

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