L'autre jour, en sortant d'un spectacle pour enfants, dans une école, j'entendais une mamy dire à son petit fils d'environ 8 ans qui se dirigeait vers la cour de récréation de cette école: "Tu restes ici près de moi", ajoutant avec un regard ne permettant aucune contestation "et tu m'obéis!". La mamy semblait apparemment inquiète que son petit fils puisse "disparaître dans la foule". Je me suis aussitôt mise à la place de cet enfant et je ne me suis pas sentie très bien. A sa place, j'aurais préféré qu'on m'explique pourquoi il valait mieux rester près de mamy et comprendre pourquoi mamy a si peur... Pour que j'aie envie de collaborer, j'aimerais qu'on m'implique dans ce qui me concerne (dans ce cas-ci, rester près des adultes au lieu d'aller jouer dans la cour de l'école). Apparemment, je ne suis pas capable de comprendre puisqu'on ne m'explique rien et qu'on décide pour moi finalement. Le risque c'est qu'à force de ne pas être écouté, cet enfant ne va plus écouter non plus ce qu'on lui demande; la deuxième phrase de mamy "et tu m'obéis" semble abonder en ce sens..
Avec toute la bonne intention de sa mamy, le Besoin Fondamental de Liberté de cet enfant n'a malheureusement pas été respecté. La question n'est pas "E?st-ce que cette mamy avait raison ou non d'avoir peur pour son petit-fils?" mais bien "Comment respecter le Besoin de l'enfant?" en tenant compte de sa propre histoire, de ses propres besoins, de ses propres peurs. Ici, cette mamy n'était probablement pas consciente de sa peur, ni des besoins de son petit-fils, et faire preuve d'autorité a été pour elle un solution rapide et facile pour obtenir ce qu'elle voulait: l'obéissance de son petit-fils et un sentiment de sécurité. Son petit-fils près d'elle, elle pouvait boire son café et discuter tranquillement avec papy.
C'est vrai que cela aurait pris un peu plus de temps de discuter, d'expliquer son point de vue, d'arriver à une solution appropriée pour chacun. Cette démarche demande de faire preuve d'authenticité (j'ai peur qu'il t'arrive quelque chose, je me sens responsable de toi), de tenir compte de l'autre (de quoi as-tu envie?), de réfléchir ensemble à une solution qui convienne à tout le monde (rester dans la cour d'école, ne pas en sortir, rester en vue, venir régulièrement te montrer, sortir boire le café dehors, etc..). C'est lui montrer qu'on l'estime, qu'il compte et qu'on lui fait confiance. Alors oui, c'est vrai, cela prend plus de temps que d'imposer sa décision mais c'est pour moi la meilleure manière de créer une relation de confiance à long terme. L'enfant apprend à faire confiance à l'adulte non seulement parce qu'il peut apprécier, au travers des explications qu'on aura partager avec lui, le bien-fondé de la demande de l'adulte mais aussi parce qu'il sent qu'on tient compte de lui. Dès lors, il aura envie de collaborer et de coopérer. Par ailleurs, étant donné qu'il fait lui-même l'expérience positive qu'on tient compte de ses besoins, il apprend aussi à respecter les besoins des autres.
Il y a par ailleurs un risque à utiliser systématiquement le mode autoritaire. L'enfant, ne se sentant pas écouté ou ne comprenant pas la demande formulée par l'adulte, n'aura, à la longue, que deux choix: se soumettre ou se rebeller. Dans les deux cas, il "sacrifie" son potentiel de libre-arbitre: toute décision sera prise en fonction de son modèle de soumission ou de rébellion et non plus en fonction de ses propres critères. Je vous en parlerai plus longuement dans un prochain article.
La confiance est le cadeau le plus précieux que l'on puisse offrir à un enfant.
Lorsque cette confiance est installée, l'enfant n'hésitera pas à nous suivre et à nous écouter, lorsque, sous la menace d'un danger réel, nous lui intimons l'ordre de faire ou de ne pas faire quelque chose. Il ne sera ni dans la soumission, ni dans la rébellion, il acceptera notre ordre car il aura compris, sans aucune explication, qu'il y a danger et que c'est dans son intérêt de nous écouter.
Si nous avons du mal à accorder cette confiance, à écouter, à tenir compte des besoins de l'enfant, c'est que notre propre histoire, nos propres blessures font obstacle et c'est en faisant un travail individuel qu'on peut se débarrasser de nos peurs et de nos croyances limitatives pour devenir des "éducants" épanouis et permettre à nos enfants de manifester leur potentiel.
Laurence Legrand
Animatrice en Éducation Syntropique
Merci pour ce texte très enrichissant.
RépondreSupprimerJ'entends souvent des parents me dire "Il faut qu'il comprenne qui commande." "C'est quand même pas elle qui décide !"
On dirait qu'on est en pleine guerre !!
Alors je dis "Dialoguons !!" :)
Merci pour cet article Laurence. Ce que tu exposes ici est fondamental. Il est essentiel de se projeter a la place de l'enfant. C'est une evidence dont nous avons tendance a nous detacher trop vite et je te rejoins egalement sur l'idee que nous avons un travail a faire sur nous meme lorsque c'est le cas, car cela vient en effet de notre propre histoire et nous repondons alors a des mecanismes (sans forcement trop y reflechir) lies a cette histoire (ou condition). On remarquera souvent que c'est la peur chez l'adulte qui est la raison de ces manifestations d'autorite non raisonnees (voir abusives).
RépondreSupprimerEugenie par son commentaire, expose aussi tres bien a quel point ce schema peut etre transpose a l'echelle de la societe...
Accorder de la confiance a un etre humain, c'est le respecter mais egalement lui accorder la possibilite de s'epanouir pleinement et donc de sublimer la notion de la Liberte, essentielle a la bonne evolution humaine et au bon developpement de l'enfant, de l'estime de soi, du respect pour autrui, de l'empathie et comme tu l'expliques parfaitement bien, de son 'potentiel'.
Que ce texte est approprié à ce que je vis en ce moment !!
RépondreSupprimerMerci infiniment pour ce texte très intéressant et si vrai. Je suis tout à fait d'accord sur le fait qu'il faut dialoguer avec ses enfants et ne pas leur imposer nos règles surtout lorsque celles ci sont régis par notre propre peur mais encore faut il en prendre conscience. La phrase "et tu m'obéis" est pire que tout à mon sens car elle est humiliante et on ne laisse à l'enfant que la possibilité de se soumettre à l'adulte. Il m'ait arrivée quelques fois d'imposer quelque chose à mon fils, n'ayant pas le temps de lui demander son avis mais j'essaie toujours de revenir dessus par la suite "excuses moi pour toute à l'heure mais j'étais pressée et je ne t'ai pas écouté. Que veux tu faire maintenant ?"
DE plus, ton dernier paragraphe est plus que d'actualité car je termine une thérapie de 12 séances sur la communication dans mon couple où nous avons appris à défaire les noeuds accumulés dans notre jeunesse. Nous avons appris tout ce que nos parents nous avaient transmis (ou non !) et qui faisaient que nous sommes ce que nous sommes aujourd'hui. Le simple fait de mettre en lumière certains de ces mini traumatismes supprime nos peurs et changent nos comportements. Nos enfants sont transformés !
En effet, il n'y a surement aucun danger pour ce petit garçon dont tu parles mais sa mamie, avec son histoire, a des peurs dans ce genre de situations qu'elle ne sait pas gérer.
L'enfant, cet esprit absorbant, ne peut que faire sienne la peur qu'il ressent chez sa mamie : si elle a peur, c'est que le monde doit être dangereux !
Je suis tellement bien dans ma peau maintenant et quand je vois les changements énormes sur mes enfants, je suis déçue qu'on ne propose pas ce genre de thérapie courte à tout parent et surtout à tout professionnel de l'enfance. Je suis professeur des écoles et il est évident que je n'enseignerai plus jamais comme avant :-)
"Dans les deux cas, il "sacrifie" son potentiel de libre-arbitre: toute décision sera prise en fonction de son modèle de soumission ou de rébellion et non plus en fonction de ses propres critères."
RépondreSupprimerJe reviens sur ce constat : c'est un point extremement interessant !
A mediter donc...
merci pour vos commentaires.. je prépare d'autres articles et ne manquerai pas de les publier ici.. A bientôt !
RépondreSupprimerAgir avec l'enfant comme avec un invité de marque comme l'explique longuement Léandre BERGERON dans son livre c'est tout à fait ça.
RépondreSupprimerMerci pour ce texte, à méditer effectivement. c'est souvent à la hâte que nous sommes autoritaires. Au lieu de dialoguer, nous imposons. J'aime beaucoup cette phrase :"L'enfant apprend à faire confiance à l'adulte non seulement parce qu'il peut apprécier, au travers des explications qu'on aura partager avec lui, le bien-fondé de la demande de l'adulte mais aussi parce qu'il sent qu'on tient compte de lui"
RépondreSupprimerCela prend du temps, certes, mais pour faire des enfants autonomes et confiants dans la parole des adultes!
Ce que tu nous dis là me parle tout particulièrement, parce que, ce matin même, j'exprimais mon point de vue au cours d'un stage d'approfondissement de BAFA sur le thème des "limites à poser" (ici sous-entendu par certains = limites posées par l'animateur...).
RépondreSupprimerJ'ai expliqué que pour moi les règles devaient être posées au préalable (avant d'agir) en concertation enfant-animateur (voire enfants-animateurs) pour que chacun trouve un compromis entre ses besoins personnels et ceux des autres puisque vie en collectivité. Chacun a ses propres règles, mais quand on vit ensemble il faut s'ajuster aux autres en discutant, en argumentant son point de vue ou en exprimant son ressenti.
J'envisage d'agir de la même manière avec mes futurs enfants (je n'en ai pas encore, à mon âge... 22 ans ^^)
J'adore ce blog, continuez !
J'aime bcp ce billet. Oui je suis d'accord. Il faut prendre le temps parfois, et avec le temps l'enfant fait plus confiance à ses proches (adultes) et une remarque telle que "fait ce que je te dis je t'expliquerais plus tard" peut marcher... Mais sans abus bien sûr et il faut garder ses promesses! Je trouve cela si si important.
RépondreSupprimerMerci encore pour ce billet!
je trouve cela très très interessant et très actuel chez moi.
RépondreSupprimerhors j'ai 2 soucis: mes enfants étant petits, quand je leur fait confiance, ils ne s'auto-gère pas, ce qui est normal...
un exemple: je suis d'accord pour qu'ils marchent à coté ou devant moi sur le trottoir mais ça fini toujours par une course ou bagarre dangereuse sur le trottoir donc je dois "imposer" qu'ils reviennent à coté de moi, voir tiennent la poussette.
est ce que ce type d'éducation, paye un jour??? si on leur fait confiance, vont ils vraiment pouvoir faire leur choix, nous écouter aussi etc etc en grandissant???
Par ailleurs j'ai 3 enfants et mon plus grand souci est de ne pas pouvoir accorder CE temps à chacun, je ne peux pas toujours écouter, discuter, dialoguer car j'en ai d'autres à m'occuper....comment réussir à trouver une place juste pour tous, dans le respect et dans l'écoute, malgré la fatigue, le stress et le quotidien????
Bonnes questions Coralie.
RépondreSupprimerJ'ai 2 enfants et j'ai souvent 1 ou 2 autres enfants a garder tres regulierement. Il m'arrive tres souvent de rentrer chez moi avec 4 enfants de l'ecole, le plus petit a 2 ans et demi. Je n'ai ni laisse, ni poussette, un boulevard a traverser et une longue rue avec un passage pieton tres etroit a longer. J'ai eu a courir des tas de fois, a expliquer des tas et des tas de fois l'idee du stop et de la responsabilite comme des tas et des tas de fois de faire etat des dangers potentiels au bord d'une route. C'est pourtant tres vite rentre, les enfants ont toujours ete tellement fiers d'avoir des responsabilites...
Aujourd'hui il rentrent tous devant moi. Je laisse courir le plus petit de 2 ans et demi sur le trottoir, il sait qu'il doit laisser au moins 1 m sur le cote de la chaussee et s'arreter avant de tourner et 5 m avant un passage pieton. Il doit aussi toujours rester dans ma vue. Il le fait depuis 2/3 mois maintenant, j'ai confiance en lui, il a confiance en moi et il a confiance en lui.
Oui cela paye, cela demande une patience de depart, un gros investissement au debut, mais le resultat est d'or. Je te jure que je ne te dirais pas cela si j'estimais qu'il y a le moindre danger a faire cela. Je le fais avec mes propres enfants et je vis dans l'une des plus grandes villes du monde.
Pour ta fatigue et le stress, je le vis aussi, meme si je dois faire des sacrifices parfois, je tente du mieux possible a tout expliquer aux enfants. Ah oui, je fais du yoga tous les jours aussi et de la meditation. Je me leve tous les matins a 5.30 pour avoir ce temps de preparation. Lorsque je pete un cable, je m'isole 2 minutes et ca repart.
Tu as le droit de peter un plomb, tu es humaine. Si cela arrive, selon ta reaction expliques le aux enfants. Excuses toi aussi si tu as depasse les bornes.
Je te souhaite tout le courage qu'il te faut, et bonne chance !
Sandrine