samedi 3 avril 2010

Connecter nos enfants à la vie

J’ai une fille de bientôt 2 ans qui aime toucher la terre, la mettre à la bouche aussi, caresser les feuilles des plantes, les sentir... J’ai envie d’entretenir sa curiosité à l’égard de la nature donc de répondre à son besoin là. Près de chez moi, une association proposait des ateliers de jardinage bio pour les familles. Ce programme a le mérite de m’intéresser et de permettre à ma fille d’aller dans un jardin, de voir comment se passe une séance de jardinage, de rencontrer des personnes autour de ce moment, de toucher la terre, d’être en contact avec la vie... J’ai appelé pour réserver notre place en spécifiant l’âge de mon enfant. Après un silence, on m’a demandé si à l’heure de l’atelier elle ne faisait pas la sieste. « Non ». On m’a demandé si c’était une petite fille ou un garçon ; la personne était contente car selon elle « les petites filles sont plus sages que les garçons » et que si elle ne déterre pas les carottes ça pourrait être envisageable. Mais c’est vrai qu’elle « est petite encore… ». Devant autant de portes fermées, j’ai fini par ne pas avoir envie de les ouvrir.

J’entends parfois dire que tel enfant est trop petit pour apprécier la visite d’un jardin, d’un musée ou un concert classique par exemple, qu’il « ne profitera pas ». Pourtant, dans ce musée, dans ce parc, au concert, il aura son propre chemin de lecture des choses. Dans ce jardin, même s’il n’assimile pas les techniques de plantation, ce qu’on ne lui demande pas (d’ailleurs on ne lui demande rien), il observera peut-être une coccinelle, pourra transvaser de la terre dans son seau, jouera avec le copain qui sera là, ramassera les coquilles d’escargots ou jouera avec un bâton ou écoutera les adultes parler, les observera bêcher, arroser, voudra même peut-être participer. Il vivra ces moments plus intensément encore. Il s’en construira. Que d’expériences enrichissantes pour lui ! On lui coupe l’herbe sous le pied lui qui grandit justement, qui a envie et qui exprime son besoin de découvrir le monde. Les adultes ont parfois peur d’être dérangés et pour cela rangent les enfants dans un coin. Je relis ce que Janus KORCZAK a écrit dans Comment aimer un enfant :

« Quand enfin, ce demain tant attendu arrive, nous pensons déjà à la prochaine étape. Ainsi l’enfant n'est pas, mais sera ; ne sait pas, mais saura ; ne peut pas, mais pourra. »
« C'est la moitié de l’humanité que nous condamnons à la non-existence : sa vie n'est pour nous qu'un jeu, ses aspirations, naïves ; ses sentiments, passagers ; ses opinions, dérisoires. »


L’adulte ne réduirait-il pas les compétences, les aspirations des enfants donc les enfants dans leur être même ? Pourquoi ? Manque de confiance en eux (les enfants ou eux les adultes ) ? Reproduction de ce qu’ils ont vécu ? « Tu es trop petit pour ça ». Manque d’investissement ou de considération de l’enfant ?

Alors, sous ces prétextes, on devrait cantonner l’enfant à colorier des bonhommes sans dépasser et surtout en ne laissant pas de blanc sur la feuille, à (ne) regarder (que) des dessins animés, à avoir entre les mains des livres de bébé, à l’écarter tout simplement de la vraie vie, du monde des adultes qui est pourtant le leur aussi. Je pense à ces femmes des tribus dites primitives qui emmènent leurs enfants partout et à notre société qui s’étonne avec joie qu’un petit bout de 4 ans puisse se débrouiller aussi bien; paradoxe de l'homme moderne qui a perdu quelque part sa cohérence, qui a oublié l'enfant qu'il a été, son besoin de boire le monde et qui semble ne pas entendre son propore enfant crier sa soif.

8 commentaires:

  1. Ce texte est magnifique. Il m'a profondement touche.
    Merci a vous Nathalie et Alexandre. Vos mots sont pleins de verite et d'humanite. Je partage vos vues completement.
    Je suis heureuse de vous lire dans le monde des enfants. J'espere que vos pensees toucheront beaucoup de parents, et d'enseignants, meme ceux des ecoles de jardinage; les educateurs de nos enfants.

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  2. Tres beau texte!

    Dan

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  3. Merci, quel texte superbe...
    Si certains de mes collègues étaient seulement en mesure de le lire et de prendre de conscience du caractère ESSENTIEL de ce que vous nous délivrez ici !

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  4. Bonjour Evelyne,
    Je vous souhaite de joyeuses fêtes de Pâques!!
    Amicalement,
    Kenza

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  5. Oh ! Magnifique texte! Merci.
    Cela me rappelle une discussion avec une maman qui me disait : « Mais tous les jours aller au parc, au marché, etc. C’est ennuyeux pour un enfant cette routine. » Je me suis permis de lui dire que peut-être cela pouvait paraître ennuyeux pour nous les adultes, mais que pour un enfant, dans ce cas moins de deux ans, il découvrait un nouveau monde à chaque fois : une nouvelle fleur, une coccinelle, un petit vers de terre peut-être ou encore l’odeur de la terre mouillée après la pluie et sa nouvelle texture, ou la senteur de l’herbe récemment tondue. C’est extraordinaire tout cela pour un enfant.
    Et je pense comme vous, que parfois les adultes veulent étiqueter les enfants –trop petit pour cela, trop grand pour ceci –cela leurs rend la vie plus simple.
    J’emmène mon fils, qui a maintenant 14 mois, partout (musées, café, ,marché, etc.,) et je crois, du moins j’espère, qu’il apprend, regarde, vie. Peut-être que durant ma dernière visite au Louvres il y a qq mois il n’a pu apprécier un Caravaggio comme un « adulte » mais je sais que pendant que Maman faisait des Ah et des Oh devant le Caravaggio, il a tenu de longues conversations en son langage avec certains visiteurs du musée et il était enchanté ! Prendre plaisir est tellement facile et il semble qu’on a tendance à le compliquer. Un enfant nous aide justement à revenir au simple.
    Merci encore pour ce billet !

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  6. Merci à vous Sand de m'avoir invité sur ce bel espace d'échange et merci à toutes pour nos échanges qui nous aide à réfléchir sur nous-mêmes.

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  7. Je jardine environ une heure pas jour et ma fille est toujours avec moi. Elle a 20 mois (environ l'age de votre fille) et bien que je la fasse participer au maximum... je dois avouer que c'est un frein plus qu'une aide pour le moment. Je peux comprendre cette femme qui a peur que l'on arrache ses carottes :-)

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  8. J'ai beaucoup de mal a considerer l'enfant comme un frein plutot qu'une aide. Je pense qu'ils ne sont ni l'un ni l'autre.
    Ils sont des etres qui vivent des experiences avec le monde qui les entoure.
    On n'offre pas a un enfant de 20 mois de jardiner pour aider il me semble, mais pour qu'il decouvre un univers fabuleux.
    Je crois egalement que si une carotte est arrachee ce n'est pas la fin du monde.
    :-)

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