mercredi 1 juin 2011

peindre




Hier, alors qu'on me demandait quelques idées pour faire de la peinture en famille, j'ai écrit cette réponse. J'ai pensé qu'elle pouvait intéresser certains d'entre vous.

Quelques notes de mes expériences :

Guider un enfant en peinture demande une grande patience et beaucoup d'accompagnement.
Que ce soit avec mes propres enfants, en atelier ou dans les écoles, j'installe toujours des assiettes (ou barquettes, ou godets) sur une table, et 1, 2 ou 3 pinceaux différents par couleur (petit, moyen, gros).
En général j'aime limiter à 5-6 couleurs, par exemple je vais proposer un nuancier qui ne contient ni vert, ni marron : et ce jour-là un enfant qui voudra dessiner un arbre selon les codes dont il a l'habitude (tronc marron + feuillage vert) va me demander comment faire, je vais donc l'inviter à trouver sa propre solution avec les couleurs proposées. Lui rappeler que sur son dessin il a le droit de dessiner un arbre bleu, un crocodile rouge, on fait comme on veut sur SA peinture.

J'essaie d'harmoniser les couleurs, une foncée, une claire, et de préférence "assorties"! Je les remélange toujours avec un peu d'une autre, un jaune éclairci avec du blanc, un bleu mélangé avec un goutte de blanc et de noir, un magenta dilué avec une pointe de jaune deviendra un beau rouge tomate… Les enfants adorent que je leur confie le pinceau pour mélanger. J'utilise uniquement des gouaches faciles à nettoyer, j'utilise 5 pots de bonne qualité (les 3 couleurs primaires + blanc et noir). À la fin, si l'enfant veut aider à ranger je lui confie des tâches précises à faire. Quant à rincer les assiettes, je préfère le faire moi-même, je conserve même souvent la peinture dans des godets fermés.

Je dispose d'un côté la peinture avec les pinceaux dans les assiettes (comme si on était à table!), un petit seau avec de l'eau pour rincer et des chiffons. Et d'un autre côté l'espace pour peindre. Je demande toujours aux enfants de peindre debout. Ainsi ils se déplacent de leur feuille à la table des peintures et reviennent à leur feuille, les enfants aiment bouger, et une fois lancés, leur déambulation devient comme une danse. Pour un ou deux enfants, on peut tout faire sur la même table. Si on peut accrocher les feuilles à la verticale c'est l'idéal, avec une grande planche un peu large posée contre un mur par exemple. J'accroche les feuilles par les angles avec du scotch de peintre (le jaune qu'on trouve dans les magasins de bricolage) et pour le papier, j'ai récupéré il y a déjà plusieurs années une fin de rouleau de papier dans une imprimerie. C'est génial. J'ai coupé des centaines de feuilles, et j'en ai encore!!! Sinon on peut peindre aussi sur des feuilles A4 ou A3 blanches toutes simples, et les assembler si le dessin a besoin de s'agrandir. J'ai remarqué que les enfants sont très à l'aise avec les pinceaux brosses. En magasin beaux-arts, on trouve des modèles de très bonne qualité, bon marché et qui tiennent plutôt bien l'usure. Enfin, j'organise le support de peinture de telle sorte que l'on puisse déborder de la feuille. Cela ne doit pas être un problème.

Je fixe et j'applique des règles assez strictes pour l'utilisation de la peinture, car demander de la concentration sur le geste permet de se détacher de sa peinture, et paradoxalement, de libérer ce geste.
Par exemple je demande qu'on fasse très attention à bien remettre le bon pinceau dans la bonne assiette. Si on se trompe bien sûr ce n'est pas grave, mais alors il faut laver le pinceau et l'essuyer dans un chiffon avant de le remettre à la bonne place. Idem si sur la feuille le pinceau de jaune s'est par exemple mêlé à du noir, il faudra le rincer avant de le replacer. Blouse obligatoire, même pour moi, comme ça on peut s'essuyer les doigts dessus! Et quand on se déplace avec le pinceau, on met toujours sa main en creux en-dessous. Enfin, on s'entraîne à tenir son pinceau un peu comme un stylo ; pour étaler la peinture on va dans un sens puis dans l'autre, en caressant la peinture avec le pinceau ; si ça ne glisse pas bien, on remouille le pinceau, ou on reprend de la peinture. Je prends parfois la main de l'enfant pour l'accompagner. Les enfants qui ont l'habitude des feutres ont tendance à écraser le pinceau pour en faire sortir la couleur. Je leur explique qu'on peint avec le bout du pinceau, qu'on doit en prendre le plus grand soin pour les garder et pour que les autres puissent s'en servir. Je suis très exigeante, et veiller à ce que ces règles-là soient appliquées est ce qui me demande le plus d'énergie! Le fait de mettre une blouse me met aussi dans une situation où j'ai une place claire auprès de l'enfant, je ne suis là que pour cet accompagnement, il n'y pas d'ambigüité sur mon rôle. (Et du coup, avec mes propre enfants… il n'y a pas de conflit, nous pouvons garder la bonne distance). Tous ces petits rituels s'abordent comme des règles de jeu, il faut les répéter souvent, mais je n'ai JAMAIS vu un enfant les contester ou les refuser!

Enfin, ce que j'appelle peinture libre est libre dans le sens où mon but est d'apprendre au participant à se sentir libre de peindre ce qu'il veut.
Et ça prend parfois/souvent du temps.

Quelques règles d'or :

- ne jamais demander à un enfant (ou un adulte) ce qu'il peint. On a le droit de peindre ce qu'on veut sans se justifier. Si un enfant souhaite me raconter ce qu'il est entrain de peindre, bien sûr je l'écoute, mais je ne fais aucun commentaire sur la ressemblance ou non avec la réalité. Il faut vraiment voir la peinture comme l'expression d'une intimité, et en respecter toute sa pudeur.
S'il y a plusieurs enfants, je les briefe avant de commencer, ils n'ont pas le droit de demander aux autres ce qu'ils sont entrain de faire, ils peuvent regarder, ils ont même le droit de penser que c'est moche, mais doivent se taire, leur jugement, il le gardent pour eux (interdit de dire : c'est pas comme ça qu'on fait!)… en revanche un compliment est toujours bienvenu!
Si tout le monde joue le jeu, et que l'adulte est bienveillant, alors tout le monde se sent à l'aise, et libre.

- je pars du principe qu'un enfant (ou un adulte) qui peint fait de toutes façons quelque chose de bien. Ça peut paraître simpliste, mais je dis toujours "c'est bien" ou à la rigueur "c'est très bien", mais jamais c'est génial / c'est super / c'est trop bien. Je pense que si l'on pose des expressions trop fortes sur ce qui se passe, on transforme ce moment de simplicité en un enjeu. L'enfant ayant spontanément le désir de bien faire, ce n'est pas la peine d'en rajouter. Puisqu'il veut bien faire (et chacun a sa façon et sa vision du bien faire) alors c'est bien, c'est tout, ça suffit.

- si l'enfant veut changer de feuille, il peut. Il a le droit de dire que son dessin est terminé même s'il n'a tracé qu'un trait. Seul son auteur sait quand il a terminé. Il n'est pas question de rentabiliser la peinture et le papier, il faut jouer le jeu.

- le moment de peinture est toujours limité dans le temps. Je préviens : on va peindre 1/2 heure, 1 heure. Et 10 minutes avant la fin, je demande à ce que l'on termine sa peinture.

- Enfin, j'interdis (dans la mesure du possible, ou alors j'exige le silence) à quelqu'adulte que ce soit d'assister à ce moment-là. Les seuls adultes autorisés sont ceux qui peignent avec les enfants, en respectant exactement les mêmes règles qu'eux. Les adultes ne se rendent pas compte de la portée de certaines de leurs paroles en présence des enfants, encore plus quand ils sont entrain de dessiner ou de peindre. Je me souviens qu'au début de mes expériences d'atelier, une maman était venue voir ce qu'avait fait sa fille à la fin de la séance, et lui avait demandé ce qu'elle avait peint. La petite fille avait désigné plusieurs créatures, des grenouilles, des poissons et des têtards, sa mère s'était soudainement exclamée, sur un ton amusé : "n'importe quoi! on dirait des spermatozoïdes!". Et la petite s'était recroquevillée de honte. Elle n'a plus osé peindre ce qu'elle voulait pendant plusieurs séances. Depuis cet épisode-là j'ai interdit l'accès de ces ateliers aux adultes. Les parents pouvaient voir les dessins de leurs enfants, mais sur RV et sans les enfants.
Je pars du principe qu'une peinture est l'expression d'un moment, d'un instant précis. À la fin de l'atelier, les peintures sont rangées dans un carton, mais jamais exposées, ni accrochées, juste archivées. On ne peint pas pour décorer la maison des parents ou de ses grands-parents, mais pour exprimer un moment, une idée. Sauf formulation, don ou demande expresse de l'enfant, je n'accroche jamais leurs peintures au mur. Cet aspect-là est très important pour mettre l'enfant en confiance, il doit pouvoir se sentir libre de peindre ce qu'il veut sans risquer de voir exposer aux yeux de tous ce qu'il aurait voulu garder pour lui. Les enfants on parfois besoin de peindre des choses qui ne les mettent pas forcément à l'aise vis à vis de leurs proches (je me souviens d'une jeune fille qui peignait des animaux qui saignaient et me demandait de ranger ses peintures au fur et à mesure, elle-même ne souhaitait plus les voir). Nous vivons aussi dans une société où tout ce que créé l'enfant est détaillé par les adultes, je suis contre les concours de dessins qui mettent en compétition ce qui à mon sens ne peut être mis en compétition, c'est comme si on faisait un concours du meilleur enfant, je trouve ça choquant. De la même façon que je ne supporte pas les analyses de dessins, je trouve ça intrusif et totalement déplacé. De quel droit peut-on parler à la place de l'enfant et dire : s'il a peint une montagne c'est parce qu'il a un obstacle à franchir? Pourquoi un enfant ne pourrait-il pas peindre une montagne simplement parce que c'est son désir de peindre au moment où il peint?!!! Ces idées-là ont mis du temps à cheminer pour moi, notamment en tant que parent, mais ça valait la peine d'essayer, on voit parfois son enfant représenter des choses qui ne nous plaisent pas, qu'on trouve moches ou déplacées (parfois ils ont besoin d'écrire des gros mots, (pré-ados surtout), il est important de laisser faire si ça arrive, une fois que c'est fait… ce n'est plus à faire!); à l'inverse, on peut admirer une peinture, mais ça reste selon nos critères d'appréciation, notre goût, et ce ne sont pas des raisons pour s'emparer de la création de son enfant. Dans tous les cas, il faut prendre sur soi et se rappeler qu'une peinture est un espace de liberté, et tout faire pour préserver cet espace.

Je tiens à préciser que ma pratique d'atelier est issue de deux "formations" : la première, officielle, m'a été dispensée à l'école des Arts Décos de Strasbourg lors de la première session de formation de plasticiens intervenants. La seconde vient directement de mes lectures des travaux d'Arno Stern, de mes rencontres avec divers praticiens et de mes propres expériences. Les notes ci-dessus sont celles du moment, il est évident que de la même façon qu'elles sont le résultat d'années d'observation, elles ne demandent qu'à cheminer encore.


Anaïs Massini

32 commentaires:

  1. Merci Anaïs, ton témoignage m'est précieux, je vais réajuster qq petits trucs dans ma classe!

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  2. Merci Anais, ce post est magnifique. Je ne sais pas pourquoi mais il m'a emu. En fait si je sais. Car il est juste. Dans le sens le plus noble du terme. Il est terriblement juste.

    Il n'y a que deux choses d'affichees sur les murs de ma maison, 3 photos des enfants qu'ils ont choisi d'exposer eux-meme apres que Lili ait achete 3 petits cadres a une association avec ses sous et les premieres lettres de Lili qui evrivait son nom alors qu'elle etait encore toute petite, a sa demande il a tout juste quelques mois. Je n'affiche jamais les dessins non plus (en dehors de la session sechage), mais je les conserve tous, du plus petit au plus grand, de l'esquisse gribouillee a la peinture detaillee, dans des pochettes en carton et des rouleaux, dans leur propre chambre. Je n'en ai jamais jete un seul. Ce n'est pas a moi de decider !

    Quand aux regles... je te rejoins a 100%. De la meme facon que les regles de notre maison ou de notre ecole montessori (qui sont tres exigentes !) ne sont jamais contestees ou refusees. Car ces regles sont legitimes, c'est du bon sens et les enfants en debordent.

    Encore merci,

    Sandrine.

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  3. Merci!
    @Aline, je suis curieuse de savoir ce que tu envisages de réajuster! Ce qui se passe dans la classe est une toute autre affaire que la vie de famille!
    @Sandrine, j'ajouterais même qu'il faut accepter d'accrocher une peinture/un dessin qui ne nous attire pas mais que l'enfant a envie d'exposer.

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  4. Cet article m'a ++ intéressée et change ma façon d'aborder les séances de peinture avec mes nièces. En fait, je comprends mieux une partie de leurs réactions.

    Sand : ton blog a disparu.. J'ai essayé de te contacter avec l'adresse mail utilisée lors de nos échanges précédents, sans succès. Je serais heureuse que tu me recontactes si l'envie t'en prend afin de continuer à discuter de temps à autre avec toi.

    isa.

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  5. mille ercis pour cette reflexion qui m'ouvre, en tant que maman, une approche toute differente sur l'expression artistique de mes zebulons...merci.

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  6. Merci Anaïs pour cet excellent billet.
    Dans ma classe, la peinture a lieu le lundi matin aquarelle sur papier mouillé, les trois couleurs primaires, un seul pinceau n°18,un pot d'eau et un chiffon.
    Les enfants (27 de 3/4 ans)jouent avec les couleurs.
    J'expose les peintures quelques jours. on observe ensemble où se trouve la lumière.
    C'est très inspiré de la pédagogie Steiner, mais c'est un beau moment, on sent que l'enfant vit encore dans le monde de la couleur et que c'est son âme qui s'exprime.

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  7. @ Anais : Ah oui, completement d'accord ! Cela me fait penser a la 'jolie' paire de boucles d'oreilles, des grosses grappes roses fluos, que Lili m'a offert pour mon anniversaire.....sigh.

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  8. ah, te revoilà Sand!
    @ Anais, oui, je te dirai ce que je vais changer, une fois que ce sera fait ;-)

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  9. pourquoi dire aux enfants c'est bien ou c'est très bien en leur parlant de leur peinture? Ils le demandent ? Pourquoi le demandent-ils ?

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  10. Je trouve ta description passionnante. J'ai 2 enfants qui ont déjà peint à la maison, toujours sur une table faute d'organisation meilleure mais je viens de déménager. J'ai maintenant un plan vertical mais il faut que je mette un tapis sur le parquet pendant la peinture et après, je me lance car tu me donnes envie de les laisser peindre, moi qui n'ai jamais osé, entendant bien trop souvent des reproches :-)
    merci infiniment et j'espère t'entendre à nouveau :-)

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  11. Merci pour ce post... ça donne vraiment envie de le garder et encore plus de le partager...

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  12. Merci pour vos encouragements. Cela fait plusieurs années que j'observe, note sans vraiment digérer… cette note est un début, et je suis touchée qu'elle vous "parle". J'ai expérimenté divers ateliers de peinture avec des enfants principalement, des ados trisomiques et psychotiques, et même des étudiants. Je voudrais maintenant aller vers des "publics empêchés". Et toujours je constate une inhibition pour se lancer, laisser faire sa main, seuls les plus petits ou les plus confiants ont cette spontanéité. Ma démarche et mon goût de transmettre se situent vraiment là : dépasser cet obstacle qui n'est que le résultat d'un formatage de société. Vous pouvez bien sûr vous inspirer de ce que j'ai écrit, en n'oubliant pas de vous approprier ces notes et de les faire vôtres, à votre façon!

    @Familledanslalagune : je me suis souvent posé la question, est-ce que n'est pas trop condescendant? est-ce que je suis vraiment sincère? Oui, des enfants me demandent souvent ce que je pense de leur peinture, mais il y a aussi ceux qui sont très inhibés, je respecte leur timidité bien sûr, mais j'ai souvent remarqué qu'un encouragement, un "c'est bien", les touchait et leur donnait envie d'essayer encore… Je pense que les enfants (mais aussi adulte, en fait il n'y a pas d'âge) qui me demandent si c'est bien, ont surtout envie de communiquer, de discuter de leur création, c'est un vocabulaire pour entre en matière, comme se demander "ça va" lorsqu'on se rencontre dans la rue ou au café, si on répond, "non ça ne va pas du tout", ou "oui c'est trop génial ma vie en ce moment", on ne joue pas le jeu de la phrase rituelle, on oblige son interlocuteur à rentrer dans notre intimité. Dans l'atelier c'est pareil, ces mots permettent une base d'échange avec juste la bonne distance. Mais à l'usage c'est surtout une règle que je garde en tête, car évidemment je ne passe pas toute la durée d'un atelier à répéter "c'est bien". J'espère avoir répondu à votre question.

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  13. envie de communiquer ou d'être rassuré par l'approbation de l'adulte? Je reste perplexe personnellement. Un enfant qui demande à un adulte si son dessin est bien ou pas, ça me donne l'effet d'un enfant qui n'a pas confiance en lui et qui a besoin/dépend donc du regard de l'adulte pour valider ou pas son dessin.

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  14. c'est une remarque interessante @Familledanslalagune !
    (excusez mon intrusion dans la conversation, mais j'aimerais reagir).

    je partage en partie cette idee, mais j'ai aussi envie de dire 'pas seulement'. je crois que chaque enfant est different et que chaque enfant reagit selon ses propres mecanismes (induits ou innes) et il me semble aussi lorsqu'ils sont induits qu'ils ne le sont pas toujours par les memes causes.

    lors de mes lectures (educo, pedago, philo, alter), j'ai souvent degage cette idee que si les adultes emettent des jugements sur le travail des enfants (et peintures, jeux, ect), ils encouragent la dependance des enfants a exister a travers les yeux de l'adulte et le jugement de l'autre, tout en alterant durablement leur confiance en eux. je suis d'accord sur l'idee d'un point de vue global, surtout si c'est un mecanisme qui se produit sur une base reguliere et se met en place de maniere incidieuse, mais mon observation directe m'a souvent demontre que ce n'est pas forcement toujours le cas. et la je rejoins aussi la reponse elargie d'Anais. de plus je pense qu'un enfant qui manque de confiance en soi a besoin d'etre encourage par un c'est bien au depart, pour l'effet desinhibateur expose par Anais. une fois le contact et la confiance etabli/retabli, l'adulte peut alors commencer un travail de retrait vis a vis de l'enfant, s'assoir sur ses mains et fermer sa bouche, emmettre de moins en moins de 'c'est bien' et faire ainsi realiser a l'enfant que seul son propre jugement importe ainsi que le plaisir d'effectuer un travail. il faut garder en tete que tous les enfants n'arrivent pas egaux sur un meme terrain, et on ne peut pas non plus changer ce qui se passe dans les maisons des autres parents ou sur les bancs des ecoles.

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  15. mon observation donc, m'a souvent demontre que les enfants aiment aussi parfois avoir la presence de l'adulte (un adulte issu de la sphere intime) lorsqu'ils entreprennent quelque chose de different ou d'inconnu. meme chez des enfants eduques dans un univers ou le jugement sur leur travail n'existe pas ou presque pas. j'ai parfois remarque des signes (pas toujours verbaux, mais aussi visuels, gestuels) de l'enfant qui peut par exemple tourner sa tete naturellement pour observer la reaction de l'adulte sur ce qu'il est en train de faire. et j'ai envie de dire que ce n'est pas forcement pour obtenir une reponse comme 'c'est bien' ou 'c'est pas bien'. c'est vraiment de l'ordre d'un degagement de reponse/idee/concept cause par l'experimentation. un 'c'est bien ca' ou 'c'est interessant', peut aussi valider une experience vecue en meme temps par l'adulte. pour l'adulte qui n'est pas surpris, on peut s'attendre a 'qu'est-ce que tu en penses ?'.

    pour en revenir a l'art, la peinture ou toute forme d'expression artistique chez l'enfant, j'ai egalement pu observer que les enfants eprouvent de la fierte parfois et qu'ils aiment la partager naturellement, sincerement et en toute modestie.

    dans mon environnement par exemple, nous n'utilisons pas la carotte ni le baton et en dehors d'encouragements directs (non pas 'c'est bien, fait cela, continue', mais plutot nous proposons des outils), et c'est de meme dans l'environnement scolaire, et pourtant j'ai pu observer a plusieurs reprises ma fille s'exclamer 'regardes maman, j'ai dessine une tortue, elle est super hein ?'. elle me demandait mon avis. pourtant elle n'avait pas besoin de mon avis pour juger de son travail. elle me donnait indirectement ainsi son avis, elle trouvait son travail reussi mais elle voulait tout de meme savoir ce que moi j'en pensais. on sentait la fierte, un sentiment intense d'accomplissement de soi-meme. a un moment donne, il est normal que l'enfant entre dans des considerations et des jugements. c'est tres important d'etre critique sur soi et d'apprendre a ecouter la critique de l'autre, de s'en servir ensuite ou non. dans ces cas la donc je suis sincere dans mes reponses. je dis si j'aime ou si je n'aime pas. mais j'explique aussi que mon avis n'a pas d'importance et qu'elle a raison d'etre aussi fiere de son travail. et cela lui convient parfaitement. il arrive parfois qu'elle suive mon avis, parfois elle dit non je ne suis pas d'accord et continue dans sa lancee. a ce moment la je lui dit que sa determination est geniale. nous parlons d'une enfant de 6 ans bien entendu, pas d'une enfant de 3 ou 4 ans.

    je crois que chaque age est different aussi. ce qui est vrai pour une tranche d'age ne l'est pas forcement pour une autre.

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  16. oh et pour illustrer avec mon histoire de boucles d'oreille plus haut, j'ai ete sincere avec ma fille :

    'ce n'est vraiment pas du tout mon style ces boucles d'oreilles, je ne vais pas les mettre souvent ma cherie, mais pourtant a mes yeux ce sont les plus belles boucles d'oreilles que l'on ne m'ai jamais offertes et je vais les garder precieusement toute ma vie'. je les ai porte pour le jour de mon anniversaire. j'a vu ses yeux rayonner de bonheur. depuis elles sont dans une boite et je ne les ressortirais que pour les regarder !

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  17. Extra ce texte Anaïs!

    Je retrouve parmi tes régles celles que j'aurai voulu que l'on applique. A l'école et pendant mes études d'archi. J'ai souvent souffert de ce carcan de "devoir faire" et comme il faut faire. Pas de place à la liberté et du sentier battu. J'ai souffert aussi de devoir expliquer ma démarche personnelle dans mes travaux et mes projets. Cette explication comptait parfois pour moitié dans la note finale...

    Pour moi, dessiner, et je pense que c'est aussi le cas dans tous les domaines que l'on peut appeler "art", c'est une expression très indivuelle, tres égoiste et très intime. Comme tu dis, il s'agit de l'expression du moment, avec son humeur du moment, son ressenti du moment. Je crois que c'est cette somme qui fait que ce que je viens de faire est "special". En tout cas, pour moi. J'ai fait cela pour moi. Ensuite pour les autres, même si je veux qu'elle plaise au plus grand nombre, c'est une autre histoire. Il me semble difficile d'exprimer cela, d'en trouver des explications et de les communiquer.

    J'ignore si c'est pareil pour toi (et je me demande pour toi aussi Sand et pour ceux et celles qui bossent dans un milieu artisitique), mais je suis souvent en transe pendant mes élans créatifs. Ce drôle d'état où l'on a l'impression d'être complètement absorbé par son travail. Où l'on oublie la réalité et ce qui nous entoure. J'ai souvent horreur que l'on me dérange pendant ces moments là, cela sabote mon travail! C'est pour cette raison là que j'aime beaucoup dessiner et créer.

    Concernant les jugements, je pense que c'est important d'être sincère. Mais en allant plus loin que les "j'aime - j'aime pas". La critique me semble importante. Pas la critique assasine mais la critique constructive. Tous ces profs qui sous prétextent qu'ils n'aimaient pas mon projet me mettaient systèmatiquement une mauvaise note, je trouve ça limite, dégradant et purement égoiste. Il me semble que quand nous avons un sujet ou un projet, si nous le respectons, les choses peuvent aller autrement...

    Je crois qu'il y a tant à dire là-dessus. Mais comme chaque enfant, chaque adulte, chaque individu est unique, la question et la ou les réponses au final est complexe car elle se pose individuellement...

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  18. "J'ignore si c'est pareil pour toi (et je me demande pour toi aussi Sand et pour ceux et celles qui bossent dans un milieu artisitique), mais je suis souvent en transe pendant mes élans créatifs. Ce drôle d'état où l'on a l'impression d'être complètement absorbé par son travail. Où l'on oublie la réalité et ce qui nous entoure. J'ai souvent horreur que l'on me dérange pendant ces moments là, cela sabote mon travail! C'est pour cette raison là que j'aime beaucoup dessiner et créer."

    Bien sur que cela m'arrive ! Et c'est pareil avec les enfants !
    Lorsqu'ils font quelque chose (d'important pour eux et qui ne l'est pas forcement pour nous...) ils ne supportent pas d'etre interrompus. C'est une source de frustration intense !

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  19. Deux choses :
    @ Pascal : attention! il n'est pas question de "j'aime ou j'aime pas", surtout pas. Le "c'est bien" (et pas le "c'est pas bien") n'est en aucun cas un jugement.
    @Familledanslalagune : "Un enfant qui demande à un adulte si son dessin est bien ou pas, ça me donne l'effet d'un enfant qui n'a pas confiance en lui et qui a besoin/dépend donc du regard de l'adulte pour valider ou pas son dessin. " ; votre remarque me laisse perplexe à mon tour! Bien sûr que je rencontre des enfants qui n'ont pas confiance en eux, à vrai dire, et c'est un fait, la majorité n'ont pas confiance en eux. Que leur demande d'approbation révèle un manque de confiance n'est pas un problème… et précisément, un encouragement dépourvu de tout engagement personnel devient un appui pour avancer.

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  20. @ Pascal, oui tu as raison sur le j'aime ou j'aime pas. Je me suis tres mal exprimee, lorsque je critique un travail, cela depasse bien entendu cette simple assertion et j'explique pourquoi. Ce serait sterile sinon. Mais j'explique toujours que mon avis est base sur une appreciation personnelle et qu'elle n'est pas une reponse 'a suivre', mais plutot l'ouverture d'une discussion, d'une reflexion. Et il est evident que j'agis ainsi avec ma fille uniquement, car elle comprend tout cela, elle en a la maturite et l'accepte comme tel. Il n'y a aucune souffrance lorsqu'elle recoit ma critique qui est constructive comme tu le dis et non pas assassine. Et comme dis plus haut, elle determine toujours par elle-meme si elle va suivre ces idees ou non. Ce n'est pas de l'ordre du jugement, mais de l'echange ! Et je crois que c'est fondamental de savoir l'accepter dans l'idee de s'elargir, grandir. Mais je crois que comme le dis @lafamilledanslalagune, la base de la personalite de l'enfant doit etre d'abord etablie sans le jugement de l'adulte. C'est uniquement pour cette raison que cela marche avec ma fille.

    @Anais, j'approuve a 100% l'idee de l'encouragement ! C'est du bon sens.

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  21. @ Pascal, j'ai oublie de dire aussi pour eviter la confusion : je donne mon avis UNIQUEMENT lorqu'il m'est demande ! Ce qui se produit assez rarement.

    Sandrine

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  22. En relisant le texte et les commentaires, je me rends compte que les jugements ne peuvent être "que" (?) personnel... Non pas que, mais il y a quand même une part personnelle dans son propre jugement. En revanche, je prefère qu'il soit développé et pas seulement limité. Bien sur lorsqu'il est demandé, cela me semble dans la logique des choses. Finalement, je trouve cela assez complexe de juger le travail d'un autre!

    Pas de soucis Sand, j'avais bien compris tes commentaires dans ton sens!

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  23. Merci encore Anaïs, j'ai relu le texte. Juste une chose par rapport au "c'est bien". Je pense qu'en disant cela à l'enfant on ne lui parle pas forcément de son dessin en tant que tel mais de son implication, de son geste, dans le sens où on lui dit qu'avec notre regard d'adulte on a vu qu'il avait mis de lui-même dans sa peinture, qu'il a fait un "effort" particulier. J'ai du mal à m'éloigner du vocabulaire de l'évaluation mais j'espère que vous voyez ce que je veux dire par là. Mon père m'a appris les arts et je lui en serai éternellement reconnaissante et je me souviens qu'il me disait parfois comment je pouvais selon lui "améliorer" mon dessin (et là je pense qu'il faut distinguer oeuvre technique ou d'exercice -qui appelle le jugement- et oeuvre spontanée, libre, qui ne demande rien à personne)

    J'ai plein de souvenirs qui me reviennent tout d'un coup. C'est bon. A bientôt

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  24. "appris les arts" c'est un peu pompeux, disons, il m'a initiée.

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  25. @ Belliflora, merci pour ton commentaire et témoignage. Je suis tout à fait d'accord avec toi le "c'est bien" est un message qui ne parle pas que de la peinture en cours, mais aussi du geste.

    Ton père a sans doute le goût de la transmission, c'est un schéma presque évident dans une relation parent-enfant. Lorsque je mène un atelier de peinture libre, le goût de transmettre est là aussi, mais la démarche est tout autre, effectivement à mille lieues de "l'exercice"!

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  26. Je suis vraiment contente de découvrir ton message Anaïs. Il me replonge dans des expériences vécues en atelier d'Art-thérapie en hôpital de jour (il y a 15 ans), l'importance du cadre structurant, cette garantie du respect de la liberté d'expression à l'intérieur de celui-ci...En te lisant j'ai l'impression de recevoir une piqure de rappel, parce que j'avais oublié tellement de choses. Je réalise qu'auprès de mes enfants, je manque de recul, espère un résultat à mon goût et pourtant j'ai animé des ateliers! Merci de m'avoir rallumer cette lanterne d'attention!

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  27. genial de nous rappeller des regles si souvent oubliees par ...moi. le "tu peins quoi la?" je tombe assez souvent dans le panneau. je vais me surveiller, d'autant que je deteste quand on me pose cette question.

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  28. Y aurait-il un ouvrage en particulier d'Arno Stern que l'on pourrait lire, pour en savoir davantage ?
    Merci.

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    1. Pardon, j'oublie l'essentiel : merci pour ce billet, qui permet de mettre en lumière des aspects essentiels, qu'on a parfois tendance à oublier. Comme vous le dites, la peinture est un espace d'intimité.
      En tant que parent, on s'extasie souvent un peu vite devant les progrès de son enfant, ce qui peut le réconforter mais aussi faire passer sa satisfaction par la nôtre, ce qui n'est pas le but.
      Je trouve très justes vos mots sur ce lieu de liberté, qui doit être respecté. Personnellement, je trouve beaux tous les dessins de mon fils. Par leurs traits, qui ne sont que mouvement, énergie, jaillissement. Par l'utilisation des couleurs. Par ce qu'il me raconte en peignant ou en dessinant.
      Mais comme toute maman, pour montrer que je m'intéresse, parfois je lui demande ce qu'il dessine. Et votre billet me fait prendre conscience de ce que cela peut avoir d'intrusif, quand l'enfant ne raconte pas spontanément de lui-même ce qu'il fait.
      Votre billet remet les choses en place et surtout, les parents à la place qu'ils ne devraient pas quitter, selon moi : "accompagnateurs en autonomie". Apprendre à son enfant à faire seul est notre grande mission !
      Exercice périlleux, que de l'accompagner, d'être présent tout en lui lâchant la main. D'être complice sans empiéter sur son espace de liberté, de création, de vie.
      Merci pour votre billet, donc.

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