samedi 30 juillet 2011

Etre authentique avec nos enfants: une exigence !

L'autre jour, nous nous promenions en famille dans un port breton. Mon fils, Luckas, gambade le long du port et nous observons les bateaux avec beaucoup d'intérêt. L'eau est à deux mètres en dessous de nous et je suis rassurée par les hautes balustrades, Luckas peut courir sans que je ne sois inquiète. Cependant, nous approchons d'une entrée de ponton, qui descend vers les bateaux et mon taux d'adrénaline augmente… Luckas étant plutôt vif et enthousiaste, je me l'imagine descendant cette passerelle en courant, inconscient du danger de tomber à l'eau... ce qu'il a clairement envie de faire: descendre voir les bateaux de près. A ce stade-ci, je suis censée le suivre et l'accompagner dans sa découverte... bon, j'avoue, ma peur qu'il tombe à l'eau était plus forte et je lui ai clairement signifié qu'il n'était pas question qu'il descende sur cette passerelle. Vous aurez compris qu'il n'était pas d'accord avec moi et s'est mis à crier et tirer sur mon bras pour aller vers les bateaux. Je lui expliquais tant bien que mal que j'ai peur que tu tombes dans l'eau, Luckas, je n'ai pas de vêtements de rechange, et je n'ai pas non plus envie de devoir, moi, sauter dans l'eau pour te sortir de l'eau, quand un groupe de personnes s'approche de nous et l'une des personnes réagit en disant à Luckas: "ouh tu n'as pas l'air content que tes parents t'empêchent de faire ce que tu veux". Oui, bien vu, c'est tout à fait ça ! bonne reformulation, merci madame. Mais c'est là que ça devient .. comment dire.. horrible.. " tu sais, si tu tombes dans l'eau, les poissons vont manger tes pieds et tu ne pourras plus marcher !".. glups !

Euh, tu sais, Luckas, c'est pas vraiment ça" ose-je dire devant cette dame bien intentionnée mais à côté de la plaque. Elle me sourit, se rendant compte de son "mensonge" et s'en va bien gentiment. Alors, oui, cette petite phrase a calmé Luckas "Les poissons vont manger mes pieds", répète-t-il. Je m'empresse de lui dire que ce n'est pas vrai, que les poissons mangent d'autres poissons, du plancton mais pas des êtres humains. J'imagine la peur qu'il aurait à tomber dans l'eau et à se voir manger les pieds par des poissons imaginaires. De grâce, cessons de raconter des bêtises à nos enfants et à créer et entretenir des peurs chez eux qui n'ont ni queue ni tête, sous le prétexte de les calmer. C'est de l'abus de pouvoir, pur et simple ! nos enfants ont besoin que nous soyons authentiques avec eux, honnêtes quant à nos propres peurs et nos raisons personnelles dans nos refus par rapport à leur demande.

D'un coup, cela me ramène à ma propre expérience en colonie de vacances, je devais avoir 12 ans environ: nous partions "naviguer" en planche à voile (sans voile) et canoë sur une rivière. J'avais entendu que si on tombe dans l'eau et qu'il y a des roseaux, on se noie car on se prend les pieds dans les tiges des roseaux. Avec cette "croyance" dans ma tête, me voilà partie sur mon canoë. Tout se passe bien et nous arrivons tous à destination. Au retour, j'ai envie d'essayer la planche à voile, qu'il faut faire avancer avec ses bras, assis ou couché sur la planche. A mi-chemin, me voyant épuisée et ayant envie de continuer avec la planche, une copine en canoë me demande si je ne veux pas changer avec elle. Je saute sur l'occasion (si j'ose dire) et me voilà dans l'eau à essayer de remonter dans le canoë pendant que ma copine s'en va au loin avec sa planche. Et là, impossible de remonter sur ce canoë ! et le courant qui me fait dériver vers les roseaux jusqu'à me retrouver en plein "risque de noyade". Paniquée, je me met à appeler à l'aide, à crier pour que quelqu'un vienne. Je perd pied, le canoë se retourne, je m'y accroche. Je suis en larmes quand un papy et son petit-fils arrivent en canot gonflable et viennent me secourir. Avec leur calme, ils me rassurent - les roseaux n'ont pas du tout l'air de les faire paniquer comme moi. Oh merci ! je n'ai pas de mots pour les remercier de m'aider à remonter sur le canoë et je m'éloigne au plus vite pour rejoindre le groupe. Je n'ai pas dit un mot de mon aventure. En fait, les roseaux ne sont pas dangereux mais quelle frousse ! quelle c. j'ai été de croire cette histoire. On ne m'aura pas deux fois! en fait, j'en ai retiré un manque de confiance en l'adulte pendant très longtemps.

Alors, vraiment, arrêtons de contrôler les enfants avec des peurs irréelles. Ils ont besoin de connaître les vrais dangers ou nos raisons strictement personnelles d'avoir peur, et pas des histoires abracadabrantes complètement inventées. Ils pourront ainsi réagir de manière adéquate lorsqu'un vrai danger apparaîtra. Car la confiance en l'adulte et en ce monde en dépend…

Laurence Legrand
Aligneuse et Animatrice en Éducation Syntropique
www.blanchecolombe.be

7 commentaires:

  1. Absolument! Il me semble me battre contre cela à chaque fois que des "adultes" parlent à mon fils dans la rue ou même à la maison...

    RépondreSupprimer
  2. Comme Kenza : absolument ! L'utilisation du sentiment de la peur est l'outil favori de celles et ceux qui abusent de leur pouvoir.

    RépondreSupprimer
  3. Et, oui bien vrai, infirmière pédiatrique avant ma retraite, j'ai aussi entendu de telle choses de parents à leur enfant,et plus grave si tu n'es pas gentil, l’infirmière te ferra une piqûre qui fait mal...j'en passe
    J'ai eu plus de mal avec les parents de petits diabétiques, à initialisation de l'apprentissage des injections d'insuline, qu'avec les parents,plein de fausses appréhension,heureusement avec un dialogue vrai, on arrivait à un tip top avec eux

    RépondreSupprimer
  4. Je suis tout à fait d'accord avec toi. Il ne faut pas manipuler les enfants avec la peur. Dans tous les cas, expliquer ou simplement, quand on n'a pas le temps, dire un non ferme sans équivoque vaut bien mieux que de dire des âneries qui vont les traumatiser...!

    RépondreSupprimer
  5. Merci pour cette belle réflexion. En effet, c'est bien cela: "de l'abus de pouvoir"...

    RépondreSupprimer
  6. je voudrais juste dire que ne pas abuser de ces enfant c'est vrai que c'est indispenssable mais parfois l'utilisation de mensonge est possible ; qu'en est il de la fantaisie : monstre du lock ness , fée des dents , troll et lutin de mon jardin , pere noel ,esprit des bois ? sont il appelé à disparaitre ? il m'arrive souvent de mentir effrontement à mon fils non pas pour l'effrayer mais pour lui rendre la vie plus etrange , pour rien parfois, par ce que je pense que s'il ne croit pas au lutin qui vole les clef de maman il perd quelque chose d'important pour sa creativité future ,son humour , et surtout sa remise en question des paroles des autres;
    par contre
    c'est vrai que je ne suis pas d'accord avec la delegation de l' autorité à des choses imaginaires :j'estime que les insectes piqueur ,les poissons ,ou les gendarmes ne sont pas là pour remplacer les gros yeux de maman quand l'enfant conteste sa parole ; et puis ,perso je trouve que parfois il faut savoir mentir : dire que mamie est devenue un ange ou que l'on ne sort pas le soir dehors tous seul a cause des chats crapaud c'est moin traumatisant pour un enfant que de parler de cimetiere, putrefaction et pedophilie.

    RépondreSupprimer
  7. Selon moi l'imagination (et sa pratique) et l'imaginaire (son monde) sont deux concepts completement detaches du "mensonge" !

    Par exemple, je n'ai jamais menti a mes enfants, pas une seule fois, j'ai toujours repondu a toutes leurs questions (je reponds a la question posee mais je ne vais jamais plus loin). Ce sont des enfants bourres d'imagination, qui debordent de fantaisie. Mon fils de 3 ans parle du pere noel, d'un train magique qui l'emmene en ballade sans arret, ou de creatures oniriques sublimes... Ma fille de 6 ans dessine sans cesse des personnages imaginaires, racontent des histoires abracadabrantes et s'exprime souvent avec une poesie deconcertante.

    La putrefaction fait partie de la vie. Et c'est un sujet de discussion completement geniale. Mais c'est seulement mon avis.

    RépondreSupprimer