
A Stuttgart, le directeur de la fabrique de cigarettes Waldorf-Astoria, Emil Molt, prend une initiative. Il organise des cours pour ses ouvriers. Pas le soir, mais dans la journée (des cours de langues, de pédagogie sociale...) il fait appel à des enseignants et c'est ainsi qu'il invite un jour Steiner à parler à ses ouvriers.
Herbert Hahn, un des premiers professeurs de l'école Waldorf rapporte cette allocution qui fut à l'origine de l'école : (printemps 1919) "Steiner avait entrepris de dépeindre les sentiments du prolétariat et d'en dévoiler les causes profondes, en montrant qu'ils étaient la conséquence d'une faillite de la culture occidentale dans son ensemble. Des millions de jeunes êtres, exposa-t-il sont chaque année frustrés de toute formation, pour être lancés à quatorze ans dans la vie économique. Dans la plupart des pays, ils continuent certes, d'avoir une formation, mais elle est limitée à leur profession et, en réalité, ne leur transmet que des connaissances techniques. Ce n'est pas une véritable formation. Voilà ce qui emplit les hommes d'amertume et les dresse contre les formes de la civilisation actuelle.
Vous tous qui êtes ici, depuis les petites apprenties de seize ans, jusqu'aux ouvriers de soixante ans, vous souffrez en réalité d'avoir vu se tarir en vous les sources d'une véritable formation humaine, parce que vous avez dû recevoir, à partir d'un certain moment, les dures leçons de la vie, et non un véritable apprentissage.
Ces mots furent prononcés avec une telle chaleur, ils étaient imprégnés d'une compréhension si profonde, qu'ils touchèrent comme d'un trait le coeur des auditeurs. Tout à coup ceux-ci virent en l'orateur non plus le grand philosophe que leur avait présenté le directeur, mais un homme venu porter remède à des maux que son regard venait de dévoiler."
De suite des ouvriers demandèrent que l'on s'occupe de leurs enfants.
Emile Molt saisit cette occasion avec beaucoup d'énergie. Il mit à disposition les moyens financiers nécessaires et demanda à Rudolf Steiner s'il voulait bien fonder une école pour tous ces enfants. L'initiative vint donc de Molt et Steiner a aussitôt répondu à cette demande.
Les bases de la pédagogie :
-il a insisté sur le danger de l'intellect seul, c'est-à-dire d'une culture exclusive de l'intellect et de la pensée analytique. Cette pensée ne peut-être féconde que si elle se nourrit des couches plus profondes de l'âme humaine, de toute la vie affective et de toute la vie volontaire. L'éducation doit être basée sur l'art, parce que l'art permet à ces forces profondes du sentiment, aux forces de compassion, de dévotion, de rester liées à la pensée.
-il a dit que l'abstraction intellectuelle mène à l'isolement, à la spécialisation (on réduit) alors qu'il est important d'élargir. de relier toute matière, toute leçon à l'ensemble. Il insistait sur le fait que l'ouvrier sache comment on cultivait le tabac, comment il était vendu, ce que faisait chacun dans son bureau...replacer les choses dans leur contexte, la partie dans le tout : l'ouvrier dans l'entreprise, l'entreprise dans le pays, le pays dans le monde.
Si cela devient un principe de l'enseignement, l'enfant développe un tout autre sentiment de son rapport au monde, un tout autre sens social.
-jeter un pont de peuple à peuple. L'école devrait donner beaucoup d'importance à cette compréhension des peuples les uns par rapport aux autres.
En juin et juillet 1919, Steiner va donner des conférences aux professeurs "La nature humaine comme un fondement de l'art de l'éducation".
Le 7 septembre 1919, l'école a ouvert avec quelques trois cents élèves répartis en 8 classes. La plupart sont les enfants des ouvriers de l'usine Waldorf.
En 1924, l'école est complète : 12 classes (du CP à la Terminale) et des jardins d'enfants.
Bientôt d'autres écoles Waldorf vont naître en Allemagne, en Europe, puis en Amérique.
Pour finir un message de Rudolf Steiner :
"Nous n'avons pas à transmettre aux jeunes nos propres convictions. Nous devons plutôt les amener à se servir de leurs propres forces de jugement, à forger leur propre conviction du monde. Il faut qu'ils apprennent à regarder le monde avec leurs yeux à eux ! Nos convictions n'ont de valeur que pour nous. Nous les apportons aux jeunes simplement pour leur dire : voilà comment nous, nous voyons le monde. A vous de voir comment il est pour vous. Nous devons éveiller des facultés et non transmettre des convictions. Les jeunes ne doivent pas croire à nos vérités mais à notre personnalité. Montrons-leur que nous sommes des chercheurs et mettons-les sur la voie d'être eux-mêmes des chercheurs !"
Il existe plus d'un millier d'écoles dans le monde.
Avec le soutien d'une conférence de Raymond Burlotte sur les origines de la Pédagogie Waldorf.