lundi 19 juillet 2010

Obéir

J'entends : "mon fils ne veut pas obéir, j'en ai marre, il est têtu". Et vous aimez-vous obéir ? Parce qu'il s'exprime avec des images qui me parlent, je laisse la parole à Monsieur FREINET :


"La nature est ainsi faite : nul n'aime obéir passivement.

Quand, tout enfant, je suivais mon âne, il m'arrivait de vouloir le faire passer là où, on ne sait pourquoi, il n'acceptait pas d'aller. Je le tirais... je le tirais... Et plus je le tirais, plus il tirait en sens inverse. Je lâchais le licol, je passais par derrière, et v'lan ! à coups de bâtons !... L'âne démarrait, faisait quelques pas pour me laisser croire qu'il s'était rendu à mes raisons, puis, brusquement, repartait au galop dans la direction qui l'attirait.

On dit l'âne têtu... Le plus têtu est encore bien docile !

Essayez de pousser un chevreau dans un sentier ou dans un parc. La bête sent un danger, comme si elle était au bord d'un précipice. Plus vous poussez, plus elle réagit pour s'opposer à vos efforts. Cela fait partie de l'instinct de conservation et de défense des êtres animés.

L'homme ne fait pas exception. Il y a, certes, l'individu habitué au troupeau, plié à l'obéissance, domestiqué au point d'en avoir perdu cette réaction vitale qui est sa dignité.

Mais l'enfant est neuf encore. Il réagit comme le chevreau. S'il sent seulement que vous voulez l'orienter dans une certaine voie, son mouvement naturel est de foncer dans le sens opposé.

Si vos efforts, sont visibles, obstinés, si vous le tirez ou le poussez, il s'opposera jusqu'à la violence.

Si vous parvenez à le contraindre, par la force ou par la ruse.. il fera comme l'âne, il tournera bride à la première occasion.

Votre premier mouvement, quand quelqu'un vous pousse, n'est-il pas de résister à la pression et d'essayer de la vaincre ?

Le vieux pédagogue, le philosophe obstiné savent peut-être tout cela. Mais ils objectent : dans la vie on ne fait jamais ce qu'on veut... qu'ils apprennent d'abord à obéir !

Et ils ne se rendent pas compte que, ce faisant, ils sont aussi illogiques que le menuisier qui s’ obstinerait à travailler son bois à contre-fil, parce que c'est le bois, n'est-ce pas, qui doit se plier à la volonté de l'artisan, ou que le pâtre qui serait fier d'avoir habitué ses chevreaux à pénétrer passivement dans le parc sombre où le boucher viendra les choisir."

Célestin FREINET

Source autorisee :
http://www.freinet.org/icem/archives/benp/benp-47/benp-47.htm

12 commentaires:

  1. Oui, comme mon mari je trouve ce texte magnifique !

    L'image du menuisier est belle. Elle me parle profondement. L'excellent menuisier est capable de faire sortir tout le meilleur d'un simple morceau de bois. Il est capable en l'observant de comprendre sa nature, son essence, ses proprietes, sa force, ses faiblesses aussi... Il ne forcera pas un bois a un mauvais emploi, car il sait qu'il pourrait se fissurer ou meme rompre dans ses faiblesses, ce qui abimerait a jamais ses particularites avantageuses.

    Une personne tres proche m'a un jour dit qu'elle ne pensait pas que tout se jouait avant un certain age chez les enfants. Certes non, pas tout, mais je crois que si certaines choses sont brisees puis ensuite recollees, elles n'auront jamais la meme grace, la meme elegance ni la meme puissance ensuite. Meme si les cicatrices s'effacent avec le temps, la trace, la marque sera toujours la.

    Il y a tres peu, j'ai discute avec ma fille sur l'idee de l'obeissance. Je lui ai dit que dans la vie on peut faire absolument tout ce que l'on veut, sans la moindre limite, dans la plus grande liberte, a partir du moment ou dans nos actes et actions, nous ne derangeons pas les autres et nous les respectons. Cette definition me semble tellement plus juste et positive que celle qui dit que dans la vie on ne fait pas toujours ce que l'on veut. Celle-ci ferme des portes, alors que l'autre en ouvre des tas.

    Merci Pour cet article et ce texte genial !

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  2. "Et ils ne se rendent pas compte que, ce faisant, ils sont aussi illogiques que le menuisier qui s’ obstinerait à travailler son bois à contre-fil, parce que c'est le bois, n'est-ce pas, qui doit se plier à la volonté de l'artisan, ou que le pâtre qui serait fier d'avoir habitué ses chevreaux à pénétrer passivement dans le parc sombre où le boucher viendra les choisir."

    Cette partie-la en dit beaucoup sur notre societe egalement...

    Un texte vraiment excellent !

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  3. Magnifique texte avec de l'humour et de la douceur --les deux ingrédients si importants dans la vie, pour guider les enfants, pour "l'obeissance" puisqu'il faut lui donner un nom. Merci pour ce billet!

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  4. c'est une grande question pour moi, l'obéissance. je me demande toujours comment faire coopérer mes enfants. il y a les impératifs de la vie quotidienne qui ne sont pas forcément des priorités pour eux. et je me rends compte que j'en appelle alors souvent aux méthodes connues comme la menace, la punition, pour que les choses avancent. c'est quoi concrètement la solution du menuisier pour que mon fils mette ses chaussures rapido avant de sortir?!

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  5. Pour ma part j'ai en grande partie redefini toutes les priorites de ma vie, de la vie. L'imperatif de ma vie n'est plus d'etre a l'heure a un rdv, meme si je respecte les gens et que je leur fait savoir que je serais en retard a l'avance ou meme que j'annule ce rdv, car ma priorite est que mes enfants apprennent a lacer leurs chaussures dans le calme et le respect de leur capacites physiques comme psychologiques. Apres je suis egalement quelqu'un de tres tres organise. Je prepare les choses a l'avance. Donc lorsque l'on a besoin d'etre imperativement a l'heure ce qui est assez rare dans notre vie de tous les jours, je sonne la mise en route tres en amont. Un collegue peut attendre des plans. S'il ne peut pas, je conviens alors d'un arrangement. Globalement je n'ai jamais trop de problemes de deadlines.
    Pour cela nous vivons aussi dans un environnement qui nous permet cette incartade a la course folle du monde, qu'au passage je fuis comme la peste, c'est elle qui nous conditionne a ne pas voir, a ne pas nous arreter pour penser ou pour respirer et tout simplement observer. Nous avons donc choisi de vivre la ou le pointage d'horaires au boulot n'existe pas, ou l'heure d'arrivee a l'ecole s'etalonne sur 45 minutes pour le respect de tout un chacun (ce que nous payons le prix fort pour nos enfants a $10 000 l'annee pour un et qui resulte en de gros sacrifices financiers), ou encore les rdv chez le medecins n'existent pas, car on vient seulement sonner a sa porte si besoin est, que l'on fait la queue dans la salle d'attente et l'on discute avec les anciens ou l'on echange avec les jeunes meres et que lorsqu'il sagit d'une urgence des enfants, les bonnes ames les laissent passer en priorite, ect...
    Je n'impose pas les courses aux enfants, nous sommes livres. Je n'impose pas aux enfants ce qu'ils ne veulent pas faire. Et au final je me rend compte qu'il y a peu de choses qu'ils ne souhaitent pas faire. Les seules choses qu'ils rechignent a faire ou meme refusent, sont celles qui sont imposees.
    Bref, ils brossent leurs dents, ils vont se coucher seuls ou il mettent leurs chaussures de bon coeur des qu'il s'agit de quitter la maison, car ils savent qu'il n'y a pas de contrainte. Des que contrainte il y a, refus apparait. Tout est explique, plusieurs fois s'il le faux, dans le calme et la patience. Les enfants sont tres reconnaissants de ce genre d'attitudes.

    Et en meme temps, je vois pourtant ma fille, qui a ete eduque ainsi depuis toute petite, qui accepte petit a petit de co-exister avec la contrainte de la societe, par maturite et avec un grand detachement. Et cela sans la moindre intervention de ma part, simplement par son propre raisonnement, judicieux. Pour ceux qui seraient donc tentes de dire que les enfants ainsi eduques sont voues a ne jamais supporter la contrainte, c'est totalement faux ! je dirais meme que si le pari est reussi, il en decoule une belle harmonie. Je vois donc ma fille comprendre par elle-meme la notion de l'imperatif et y repondre si elle pense qu'il est necessaire pour elle d'y repondre.
    Bref, c'est tres confortant pour moi cette idee pour mon deuxieme. Meme si mon fils est tres different de caractere, je pense faire exactement de la meme maniere.

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  6. "Je lui ai dit que dans la vie on peut faire absolument tout ce que l'on veut, sans la moindre limite, dans la plus grande liberte, a partir du moment ou dans nos actes et actions, nous ne derangeons pas les autres et nous les respectons. Cette definition me semble tellement plus juste"....oui à moi aussi, je l'aime beaucoup...
    c'est vrai que ce n'est pas toujours evident, j'essai au mieux aussi de ne pas leur infliger les contraintes des courses, des multirdv sans interets...par contre c'est plus difficile de leur faire faire les choses comme se brosser les dents, douche, pyjama...quelques astuces seraient les bienvenues ;-)....ici avec nos horaires boulot imposes c'est moins facile de ne pas imposer quelques contraintes aux enfants...on se rattrape à être beaucoup beaucoup plus cool le week end et les vacances pour le bien de tout le monde.

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  7. J'aime beaucoup ce texte, merci de le partager ici... l'image du menuisier et du bois est fantastique!
    Je suis tout a fait d'accord avec cette notion positive de la liberté expliquée à ta fille, Sand, je dis la même chose à mes enfants... :)
    En chaque début d'année, quand nous élaborons collectivement un règlement de classe avec mes élèves, j'essaie toujours d'orienter les idées vers des phrases positives, du genre dire plutôt "chuchoter quand les autres travaillent" plutôt que "ne pas parler quand les autres travaillent"... j'ai beaucoup de mal avec les "il ne faut pas...ou interdit de", ou peut toujours trouver un opposé de manière positive!

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  8. Je crois effectivement comme le dit Aline, que tout est dans l'art de communiquer avec ses enfants. Si on leur aboie dessus ils vont nous repondre en aboyant. Si on le fait avec grace et courtoisie, ils vont nous repondre de la meme maniere. L'enfant est un etre "mimetique" par excellence. Cela dit, nous sommes pareil. Si je me sens agressee lorsque l'on s'adresse a moi, je ne vais pas avoir envie sans meme y reflechir d'aller dans la direction qui m'est indiquee...

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  9. "Nous avons donc choisi de vivre la ou le pointage d'horaires au boulot n'existe pas, ou l'heure d'arrivee a l'ecole s'etalonne sur 45 minutes pour le respect de tout un chacun (ce que nous payons le prix fort pour nos enfants a $10 000 l'annee pour un et qui resulte en de gros sacrifices financiers), ou encore les rdv chez le medecins n'existent pas, car on vient seulement sonner a sa porte si besoin est, que l'on fait la queue dans la salle d'attente et l'on discute avec les anciens ou l'on echange avec les jeunes meres et que lorsqu'il sagit d'une urgence des enfants, les bonnes ames les laissent passer en priorite, ect..."

    J'ai fait la meme chose de ma vie. J'ai quitte le tourbillon... Mais n'est-ce pas egoiste finalement ? Que de rester avec nos compatriotes et lutter ?

    Bises a vous tous, j'ai su pour le disease, je vous espere en forme maintenant.

    Dan.

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  10. Merci Dan. Pas encore le top, mais on fait aller !

    Oui je suis d'accord avec ce que tu dis. Pour ma part j'ai realise beaucoup apres avoir quitte le tourbillon, en observant l'ailleurs. Et je me considere comme tres individualiste dans mes choix. Mais mon "egoisme" ne me fait pas pour autant oublier les autres ni mes ideaux. D'ailleurs, la preuve de ce blog, ces commentaires... Il pourrait tres bien ne pas exister. Mais oui globalement tu as raison, et j'ai bien conscience de tout cela.

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