samedi 23 avril 2011

Soumission ou rébellion ? quand la confiance fait défaut.

L'autre jour, je discutais avec une maman, bénévole dans une association que je fréquente, et elle me parlait de son désespoir concernant son fils de 13 ans. Elle me racontait son agressivité à son égard, ses mensonges, son impertinence. Elle n'en dormait plus et tombait peu à peu dans la déprime, impuissante à résoudre la situation. Elle en parlait à tout le monde, à la recherche de la solution "miracle". Je la sentais perdue et au bord de l'épuisement. La situation n'avait déjà que trop duré et elle était toute seule à y faire face, le papa vivant à l'étranger et ne voyant ses enfants qu'une fois par mois.

Je me sentais bien triste pour cette maman qui fait ce qui lui semble juste, appliquant ce qu'elle avait elle-même reçu comme éducation, me disant que quand j'avais son âge, on trouvait normal qu'on décide pour nous, on écoutait les parents et jamais je n'aurais osé les contredire. Elle avait choisi ce que j'appelle "la soumission" face aux exigences de ses parents. Elle avait très tôt enfoui en elle toutes velléités personnelles qui ne cadraient pas avec leurs attentes. Et elle avait donc tout simplement appliqué le même modèle partant de l'idée qu'elle savait ce qui était bon pour son fils et le protégeant surtout contre les dangers de la vie.

Elle croyait que si elle laissait son fils dehors, il va faire de mauvaises rencontres et tomber dans la drogue ou le vol et je veux le protéger de cela. Apparemment, elle avait du mal à envisager que cela puisse ne pas lui arriver, qu'il puisse décider par lui-même de ne pas se droguer, de ne pas voler, qu'il soit capable de faire la distinction entre des gens honnêtes et les autres. Elle avait tellement peur de tout cela qu'elle lui interdisait de sortir et contrôlait presque tous ses faits et gestes. Son manque de confiance dans son fils - je ne lui ai jamais fait confiance depuis tout petit - influençait toute son attitude vis-à-vis de lui. L'enfant qui sent qu'on ne lui fait pas confiance, finit par y croire aussi qu'on ne peut lui faire confiance, qu'il est incapable de discernement, qu'il va se faire avoir, etc. Il finit par correspondre à cette "attente" inconsciente qu'on a vis-à-vis de lui et par créer des situations qui lui permettent de prouver qu'on ne peut lui faire confiance. CQFD. Comme on dit en Approche de l'Alignement, c'est la croyance qui crée l'expérience.

(Re)trouver la confiance me semble le chemin à suivre même si cela prend du temps et exige de l'adulte (dans ce cas-ci, la maman) à pouvoir remettre en question ses croyances (par exemple: le monde est dangereux, on ne peut pas faire confiance aux enfants, mon fils n'est pas digne de confiance, etc.). C'est un pari probablement difficile pour elle mais cela me semble indispensable pour que la situation puisse évoluer autrement que vers la rupture. Cette maman a besoin de se faire aider pour lâcher ses peurs et oser vivre la confiance, qu'elle n'a sans doute jamais expérimentée elle-même comme enfant, avec des parents tout aussi peu confiants dans ses capacités à elle.

D'autre part, face à sa maman, ce fils avait apparemment choisi la rébellion. Il avait appris à lui mentir pour éviter les remarques et les disputes. Fort de vouloir satisfaire son Besoin de Liberté, il n'arrivait à l'exprimer qu'au travers de l'agressivité verbale, sa manière de dire non à toutes les tentatives de sa mère qu'il vivait comme de l'emprisonnement. Même une idée empreinte de bon sens était rejetée car mise dans le même sac que les autres remarques.

Cette maman en venait à envisager de mettre son fils dans un internat à une centaine de kilomètres de chez elle car vraiment, elle n'en pouvait plus et commençait avoir peur d'elle-même et de ses propres réactions. Il me paraît certain que si elle sombre et tombe en dépression, la situation risque d'empirer pour elle, son fils et ses autres enfants. Est-ce LA solution ? je n'en sais rien mais peut-être cette distanciation pourrait-elle permettre à chacun de sortir du conflit quotidien, de se retrouver à intervalles réguliers en ayant chacun de son côté pris du recul afin de pouvoir reconnecter avec l'amour et le plaisir d'être ensemble. Pour autant qu'une remise en question profonde puisse être entamée par la maman et que ce jeune garçon puisse être entendu dans sa souffrance. Car il n'y a pas de doute, il y a beaucoup de souffrance et aussi beaucoup d'amour entre ces deux-là !

Laurence Legrand
Aligneuse et Animatrice en Éducation Syntropique
www.blanchecolombe.be

lundi 11 avril 2011

Construire la Confiance avec les enfants pour sortir du rapport d'autorité

L'autre jour, en sortant d'un spectacle pour enfants, dans une école, j'entendais une mamy dire à son petit fils d'environ 8 ans qui se dirigeait vers la cour de récréation de cette école: "Tu restes ici près de moi", ajoutant avec un regard ne permettant aucune contestation "et tu m'obéis!". La mamy semblait apparemment inquiète que son petit fils puisse "disparaître dans la foule". Je me suis aussitôt mise à la place de cet enfant et je ne me suis pas sentie très bien. A sa place, j'aurais préféré qu'on m'explique pourquoi il valait mieux rester près de mamy et comprendre pourquoi mamy a si peur... Pour que j'aie envie de collaborer, j'aimerais qu'on m'implique dans ce qui me concerne (dans ce cas-ci, rester près des adultes au lieu d'aller jouer dans la cour de l'école). Apparemment, je ne suis pas capable de comprendre puisqu'on ne m'explique rien et qu'on décide pour moi finalement. Le risque c'est qu'à force de ne pas être écouté, cet enfant ne va plus écouter non plus ce qu'on lui demande; la deuxième phrase de mamy "et tu m'obéis" semble abonder en ce sens..
Avec toute la bonne intention de sa mamy, le Besoin Fondamental de Liberté de cet enfant n'a malheureusement pas été respecté. La question n'est pas "E?st-ce que cette mamy avait raison ou non d'avoir peur pour son petit-fils?" mais bien "Comment respecter le Besoin de l'enfant?" en tenant compte de sa propre histoire, de ses propres besoins, de ses propres peurs. Ici, cette mamy n'était probablement pas consciente de sa peur, ni des besoins de son petit-fils, et faire preuve d'autorité a été pour elle un solution rapide et facile pour obtenir ce qu'elle voulait: l'obéissance de son petit-fils et un sentiment de sécurité. Son petit-fils près d'elle, elle pouvait boire son café et discuter tranquillement avec papy.
C'est vrai que cela aurait pris un peu plus de temps de discuter, d'expliquer son point de vue, d'arriver à une solution appropriée pour chacun. Cette démarche demande de faire preuve d'authenticité (j'ai peur qu'il t'arrive quelque chose, je me sens responsable de toi), de tenir compte de l'autre (de quoi as-tu envie?), de réfléchir ensemble à une solution qui convienne à tout le monde (rester dans la cour d'école, ne pas en sortir, rester en vue, venir régulièrement te montrer, sortir boire le café dehors, etc..). C'est lui montrer qu'on l'estime, qu'il compte et qu'on lui fait confiance. Alors oui, c'est vrai, cela prend plus de temps que d'imposer sa décision mais c'est pour moi la meilleure manière de créer une relation de confiance à long terme. L'enfant apprend à faire confiance à l'adulte non seulement parce qu'il peut apprécier, au travers des explications qu'on aura partager avec lui, le bien-fondé de la demande de l'adulte mais aussi parce qu'il sent qu'on tient compte de lui. Dès lors, il aura envie de collaborer et de coopérer. Par ailleurs, étant donné qu'il fait lui-même l'expérience positive qu'on tient compte de ses besoins, il apprend aussi à respecter les besoins des autres.
Il y a par ailleurs un risque à utiliser systématiquement le mode autoritaire. L'enfant, ne se sentant pas écouté ou ne comprenant pas la demande formulée par l'adulte, n'aura, à la longue, que deux choix: se soumettre ou se rebeller. Dans les deux cas, il "sacrifie" son potentiel de libre-arbitre: toute décision sera prise en fonction de son modèle de soumission ou de rébellion et non plus en fonction de ses propres critères. Je vous en parlerai plus longuement dans un prochain article.
La confiance est le cadeau le plus précieux que l'on puisse offrir à un enfant.
Lorsque cette confiance est installée, l'enfant n'hésitera pas à nous suivre et à nous écouter, lorsque, sous la menace d'un danger réel, nous lui intimons l'ordre de faire ou de ne pas faire quelque chose. Il ne sera ni dans la soumission, ni dans la rébellion, il acceptera notre ordre car il aura compris, sans aucune explication, qu'il y a danger et que c'est dans son intérêt de nous écouter.
Si nous avons du mal à accorder cette confiance, à écouter, à tenir compte des besoins de l'enfant, c'est que notre propre histoire, nos propres blessures font obstacle et c'est en faisant un travail individuel qu'on peut se débarrasser de nos peurs et de nos croyances limitatives pour devenir des "éducants" épanouis et permettre à nos enfants de manifester leur potentiel.

Laurence Legrand
Animatrice en Éducation Syntropique